Une odeur presque indétectable et il fallait être un nez pour en saisir les fragrances, plutôt agréables. Un profond ronronnement de machines annonçait la couleur, il y a de l'industrie en l'air. Une première blouse blanche qui déambule et l'on finit par ficeler la cartographie et la nature des lieux. Deux grands bâtiments blancs zébrés par des bandes de couleur verte. Quant à la petite broderie sur un coin de la blouse blanche qui a passé son chemin, celle-ci ne fait que démystifier le mystère. Le logo est tellement frappant, rappelant étrangement celui estampillant ces boîtes tellement exerçables, étant enfant, mais dont le contenu que l'on nous faisait ingurgiter était notre seul salut.
Cette unité industrielle a plus d'une particularité. Née à la fin des années 40 de l'idée d'un homme à l'ambition manifeste et au nationalisme à toute épreuve, feu Abderrahim Bennis en l'occurrence, cette manufacture est, aujourd'hui, l'un des fleurons de l'industrie nationale, arrivant à la 62e place, tous secteurs confondus.
En revanche, dans son secteur d'activité, Laprophan fait office de vaisseau amiral. Éloges et distinctions ne tarderont pas à affluer et rendre hommage à tout le travail effectué dans les coulisses, à l'abri des regards indiscrets, chez ce pionnier de l'industrie pharmaceutique au Maroc. La Banque mondiale, ou encore le ministère du Commerce et de l'Industrie, s'initieront à cet exercice de reconnaissance. Laprophan, c'est aussi un laboratoire qui a décroché haut la main l'agrément de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). Pour en saisir la teneur, il s'agit là du premier laboratoire dans un pays en voie de développement à décrocher ce précieux sésame. La success-story continuera son petit bonhomme de chemin, jusqu'à ce que Laprophan obtienne quatre brevets internationaux enregistrés dans plus d'une centaine de pays, dont les Etats-Unis, ainsi que plusieurs pays européens.
Des médicaments purement «Made in Morocco» commercialisés en Europe et aux USA, c'est pas cool ça ? En chiffres, l'héritage que le défunt Abderrahim Bennis a légué au Royaume gravite autour de 1 milliard de DH comme chiffre d'affaires, 750 salariés dont plus d'une centaine de cadres, un site industriel de 23.000 m2 produisant toutes les formes galéniques et N°1 de l'effervescent, un centre de distribution se déployant sur 13.000 m2 et dont l'estimation est de plus de 10 millions de dollars américains. Époustouflant, isn't it ? Patience, le meilleur est réservé pour la fin ! Voilà, globalement, de quoi retournent les laboratoires Laprophan. On pourrait se dire : «Au revoir et à la prochaine entreprise du mois», sauf que l'on est toujours à quelques mètres du portail d'entrée, en train de se demander si cette senteur qui effleurait l'atmosphère de temps à autre était bien celle de fèves de café. Vous en souvenez-vous ? Si la première blouse blanche et sa broderie «traîtresse» avaient passé leur chemin, la deuxième, elle, ne nous ratera pas.
C'était notre passe-partout à travers les dédales de cette citadelle pharmaceutique. Tout le monde s'engouffre dans un premier bâtiment où siège l'administratif dans tous ses états. Bureaux encombrés de paperasse, ordinateurs parsemés çà et là, des types costard cravatés en surnombre par rapport à ce qu'on voit de l'autre côté, en plus d'une nuée de signalisations faisant de la pure discrimination contre les fumeurs, comme quoi ils sont indésirables dans cet espace : le décor ressemblait à peu près à cela. Fin de la visite, direction l'autre bâtiment, où les cuisines de Laprophan ont élu domicile. À ce niveau, les règles draconiennes d'hygiène et de sécurité exigent de se couvrir de la tête aux pieds moyennant blouse, coiffe et couvre-souliers.
Destination «Zone effervescents», où l'atmosphère et l'humidité sont contrôlées en permanence : 22° Celsius pour la première contre 25% pour la seconde. L'on saisit pertinemment qu'au moindre écart par rapport à ces conditions, on risque de se retrouver avec de l'effervescence à grande échelle.
L'on imagine, également, et sans difficulté apparente, que dans cette zone, la ségrégation anti-tabagique atteint son paroxysme :
montrez ne serait-ce que le petit bout d'une blonde et vous passez, sans autre forme de procès, par un peloton d'exécution composé d'une armée de blouses blanches !
Dans cet espace, 3 tonnes de comprimés effervescents sont produits chaque jour, soit 1 million de pastilles réparties sur 15 produits différents.
Le processus de fabrication débute au niveau de la salle de mélange, où des mélangeurs mobiles (montés sur roues) règlent leurs comptes aux différentes matières premières entrant dans la composition de tel ou tel produit, tout simplement en les emmêlant. Le mélange obtenu passe ensuite par un box de compression, avant que les fameux comprimés n'atterrissent entre des mains humaines, cette fois-ci, pour leur ultime phase de conditionnement.
Pendant qu'ils sont préparés pour leur dernier voyage, les comprimés en question ne manquent pas d'envoyer des sortes de mouchards vers un premier «check point».
En effet, afin de respecter les normes internationales en termes de sécurité et de qualité, un mini-lab a été installé pour effectuer un premier contrôle du produit.
«À ce niveau, nous sommes dans une logique d'échantillonnage et de traçabilité.
Après ce premier contrôle, le produit amorcera une autre phase que l'on peut qualifier de contrôle du contrôle, au niveau d'un service spécialement dédié à la chose, le but étant d'atteindre le risque zéro par rapport à nos produits», explique l'une des blouses blanches refusant de décliner son identité.
Par ailleurs, le process de fabrication cité précédemment semble identique à toutes les autres formes galéniques, avec un mélangeur en début de chaque processus, suivi d'une compression, ou d'un filtrage et, généralement, d'une opération de stérilisation à plusieurs niveaux.
Les produits finis sont ensuite acheminés vers le centre de distribution dont la mise en place a été dictée par un souci de
décongestionnement et de fluidité, disposant d'une logistique monstre de sorte à ce que l'engrenage ne puisse plus craindre aucun
grain de sable.
Par Abdelhakim Hamdane | LE MATIN